Cie Bloc Opératoire

Dark was the night, and cold was the ground

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Emmanuel Meirieu, auteur-metteur en scène de la Cie Bloc opératoire, sera accueilli en 2022, avec sa nouvelle création, Dark was the night, and cold was the ground

Emmanuel Meirieu est né à Versailles en 1976. Il est artiste associé au CDN de l’Est. Il mène des études de philosophie et de droit. Quarante ans et vingt à créer un théâtre stimulant et actuel. Passionné par les acteurs et le récit, il aborde le théâtre en créateur d’émotions fortes. Il porte à la scène les auteurs d’aujourd’hui et toujours avec l’envie de faire entendre d’une manière simple la puissance des histoires tout en créant des archétypes de théâtre inoubliables : des êtres brisés, des marginaux grandioses et viscéralement humains, « ces derniers qui seront les premiers ». Qu’il travaille avec des interprètes confirmés ou révèle des talents bruts, sa direction d’acteur est unanimement saluée. Avec De Beaux Lendemains qu’il a présenté aux Bouffes du Nord en 2011, et Mon traître créé au théâtre Vidy-Lausanne en 2013, et repris au Théâtre du Rond Point, il a su démontré son talent pour l’adaptation de romans à la scène.

 
“C’était le 5 septembre 1977, à Cap Kanaveral.
La NASA propulsait dans l’espace une sonde spatiale appelée Voyager. Elle emportait vers les étoiles un disque en or fixé sur ses parois d’aluminium : Le Voyager Golden Record.
Sur ce disque avait été gravé 118 photographies de nos paysages terrestres et des êtres vivants qui les peuplent, des salutations en 55 langues humaines, 18 sons enregistrés sur notre terre, 27 musiques. Tout ce que l’on voulait alors pour témoigner du meilleur de notre espèce, et de notre planète. Et ce message du président des États-Unis Jimmy Carter : 
“Nous lançons ce disque dans le cosmos. Il est probable qu’il survive un milliard d’années dans notre futur. Parmi les 200 milliards d’étoiles de la Voie lactée, quelques-unes, peut-être plus, peuvent abriter des planètes habitées et des civilisations. Si une telle civilisation intercepte Voyager et peut comprendre les contenus enregistrés sur notre disque, voici notre message :
Ceci est un présent d’un petit monde éloigné, un témoignage de nos sons, notre science, nos images, notre musique, nos pensées et nos sentiments. Nous tentons de survivre à notre époque pour pouvoir vivre dans la vôtre. Nous espérons qu’un jour, quand nous aurons résolu les problèmes qui nous font face, nous rejoindrons une communauté de civilisations galactiques. Cet enregistrement représente notre espoir et notre détermination.” 

La sonde Voyager avait été ainsi lancé comme une bouteille à la mer dans l’immensité noire de l’univers à la rencontre de populations extra-terrestres. 
Et parmi les musiques gravées sur le disque en or, Voyager emportait avec elle un enregistrement de 1927, une chanson blues de Blind Willie Johnson : “Dark was the night, cold was the ground” (“Sombre était la nuit, froide était la terre”).

Blind Willie Johnson est mort de pneunomie à 40 ans, une nuit d’hiver de 1949,  à Beaumont Texas, refusé à l’hôpital parce qu’il était noir, pauvre, et aveugle, 
Willie est mort dans les ruines de sa maison qui avait brulée quelques jours avant, car il n’avait aucun autre endroit pour s’abriter, et dormir.  
On a trouvé son corps sur un tas de couvertures encore trempées de pluie.
Willie a été enterré dans une tombe sans nom, dans un terrain vague dont on avait fait un cimetière pour noirs.
Mais en 2012, à bord de la sonde Voyager, la musique de Willie est entrée dans l’espace interstellaire, gravé sur un disque en or inoxydable et éternel.
Quand notre monde aura péri, bien après notre extinction, quand même notre soleil se sera éteint, il restera encore cette trace de nous, dans l’immensité noire de l’univers, pour témoigner de la meilleure part de notre étrange et fascinante espèce : la voix et la musique de Blind Willie Johnson, filant à 16km/seconde, dans une sonde spatiale, au milieu des galaxies.

Je voudrais que tous mes spectacles soient des monuments aux oubliés, aux abandonnés, aux fracassés, aux sans-histoires, aux sans-traces, à tous ceux que la Grande Histoire efface et ne raconte jamais.
Willie Johnson était un misérable du Texas, descendant d’esclaves, orphelin de mère, prêcheur évangéliste et bluesman, rendu aveugle à l’âge de 7 ans par sa belle-mère qui lui jeta une poignée de lessive au visage et brûla ses deux yeux, mort pauvre et anonyme mais devenu ambassadeur intergalactique de l’Humanité, et dont la voix et la musique, qu’il avait appris à jouer sur une guitare en boites à cigares, résonneront à jamais dans les poussières cosmiques et les particules interstellaires : “Noire était la nuit, froide était la terre…”

 

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